J’ai enfin réussi mon brevet de parapente. Et si je passais sous une aile EN B ?

Allez, avoue que cette idée t’est au moins passée une fois par la tête depuis que tu as obtenu ton brevet ?
D’un côté, tu te dis que tu aimerais bien avoir plus de style. Qu’on te reconnaisse comme un·e vrai·e pilote sur les décollages. Et plus comme un·e élève…

Quel camp choisis-tu ? Celui de la progression ? Ou celui de la sécurité ? Et si les 2 n’avaient pas besoin de s’opposer mais se mariaient habilement ?

D’après mon expérience, la toute 1ère question à te poser est de savoir si tu as vraiment testé ta EN A au maximum de ses capacités.
Tu me réponds immédiatement : bien sûr, je n’arrive plus à avancer dans 25 km/h de vent. Pas faux.

Par contre, pas certain que ce soit le seul argument en faveur d’un changement pour une EN B.
 

Je te donne ci-dessous, par discipline, une checklist des conditions et manœuvres que tu devrais à mon avis très bien maitriser avant de passer sous une aile de catégorie supérieure.

Quoi que tu décides après avoir lu cet article, je te recommande dans tous les cas d’effectuer un stage SIV en EN A ou B. Le SIV te permettra de voir ce que tu arrives à récupérer (ou non) sous ton aile.

Un autre bon réflexe à adopter consiste à aller voir les rapports d’homologation des ailes qui t’intéressent. Tu pourras ainsi les comparer de manière objective.

Checklist par discipline

Tu es un·e adepte du marche & vol

J’imagine que tu souhaites acheter une aile plus légère que celle que tu avais à l’école ?
Mais tout d’abord, arrives-tu facilement à :

  • Décoller léger vent arrière facilement ? Et accepter que vu la vitesse de ta course, il te sera difficile d’interrompre ?
  • Décoller avec du vent de plus de 15km/h en face voile dans un terrain très pentu ? Sans te twister ? Sans te retrouver en l’air de manière imprévue ?
  • Gérer une sortie proche du relief avec du vent soutenu ou des thermiques de printemps et donc de gérer les fermetures potentielles ?
  • Décoller dans des pierriers ou des clairières avec des herbes hautes ? Les suspentes ont alors tendance à rester accrochées dans les petits cailloux ou les herbes. Du coup, souvent, ta voile monte d’un coup ou de manière complètement asymétrique.
  • Improviser des atterrissages et/ou gérer un atterrissage sur un petit terrain ?
  • Ne pas faire un cratère quand tu atterris en cas de vent nul ? Avec une aile light plus petite, ta vitesse lors de ta finale sera plus élevée. La gestion de tes freins devra donc être beaucoup plus précise.
  • Gérer des bulles thermiques à l’atterrissage avec un fort vent de vallée ? Dans cette configuration, tu risques des fermetures proches du sol. Le risque d’accident est donc plutôt élevé.

Alors tu pourrais me dire « oui mais avec une aile plus petite, je vais gagner du poids pour marcher ».
En fait, avec l’évolution des ailes montagnes depuis quelques années, le gain de poids entre 2 tailles est minime. Par exemple, entre une Kode P 16m2 et une 18m2, il y a 150 grammes de différence. Du coup, il faut plutôt te demander si tu es prêt·e à gérer une prise en charge qui prend plus de temps au décollage et si tu acceptes d’atterrir avec plus de vitesse ?

Dans les arguments en faveur d’une plus petite aile, souvent homologuée en EN B, il y a bien sur le fait que tu avanceras beaucoup mieux dans du vent soutenu. Et c’est un avantage non négligeable lors de tes marches & vol au printemps et en été, lorsque les vents de vallées se lèvent rapidement.

deux parapentistes montent à pied à la cabane Rambert

Les sensations fortes de l’acro, c’est vraiment ton truc

Je te comprends à 100%, j’ai moi-même passé des années à en faire 😉
Je t’avoue que je n’ai malheureusement pas appliqué les conseils que je partage ci-dessous. Et franchement, j’ai perdu pas mal de temps dans ma progression acro. Dans la même logique que du passage d’une EN A à une EN B, j’ai voulu changer d’aile trop rapidement. Je suis passé sous une voile acro en 18m2 alors que je ne maitrisais pas les figures de base sous mon EN B.

Du coup, avant de passer sous une aile EN B, puis une aile vraiment typée acrobatie, es-tu à l’aise avec :

  • La réalisation de décrochages de manière autonome (fortement recommandé au-dessus des arbres) avec une sortie propre ?
  • De vrais « wing-over » (pas seulement des gros wing) sans fermeture ni détente ?
  • Les débuts de départ en vrille qui t’amèneront progressivement vers les hélicos ?
  • La gestion de la phase parachutale ?
  • Le vol arrière ?

Évidemment, la manière la plus « safe » de réaliser ces manœuvres la 1ère fois est de participer à un stage SIV.
Une fois que tu es à l’aise avec ces différentes manœuvres, tu peux passer sous une EN B. Par exemple, une EN A sera souvent plus difficile à maintenir en hélico stable car elle aura envie de sortir de la manœuvre pour voler tout droit. Avec une EN B, tu profiteras du côté plus joueur de cette catégorie.

infinity tumbling en parapente niviuk à Mürren

Tu veux voir beaucoup de paysage depuis le ciel

Si ton but est devenir un·e crosseur·euse chevronné·e, je te propose de valider ces différentes étapes :

  • Savoir improviser des atterrissages sans repérage préalable
  • Réaliser des cross de 20 à 30 km avec ta voile EN A
  • Voler au printemps dans du thermique fort et te sentir à l’aise et gérer ta EN A dans ces conditions (thermiques de 6 à 8m/s)
  • Savoir utiliser l’accélérateur sur toute sa plage et dans toutes les conditions
  • Enrouler régulièrement proche des arbres (le site de Verbier est un bon exemple, j’y fais des biplaces pédagogiques  si ça t’intéresse)
  • Réaliser un stage SIV et apprendre à sortir du domaine de vol (fermetures, départs de vrille, grosses abattées en chandelle etc)

Du coup, si vraiment tu veux faire plus de 50 kilomètres, alors envisage une aile EN B. Et plutôt une EN B-.

Les EN B+ sont de vraies voiles de cross même si elles sont vendues par les constructeurs comme des ailes des loisirs. La majorité des parapentistes pourront certainement voler un jour sous une EN B (contrairement à une EN C ou D). Et pourtant. Les EN B+ sont déjà équipées de « sharknose », de nombreuses cellules, parfois d’un nombre réduit de suspentes. En cas de perte de maitrise, elles demandent un bien plus haut niveau de pilotage pour éviter un gros sketch.

aile de parapente en vol cross dans la vallée de Lauterbrunnen

Voler sur des sites officiels, sans sortir du bocal, c’est ce que tu préfères

Je vois 2 manières d’aborder la tentation d’un changement de voile :
Qu’est-ce que ça t’apportera d’avoir une aile plus performante si tu aimes voler sur les sites officiels ? Ou tourné autrement, qu’est-ce que tu vas y perdre :

  • Sous le vent : tu n’oseras certainement pas y aller car tu seras moins à l’aise sous une EN B quand ça bouge beaucoup
  • Dans des thermiques forts : tu n’oseras probablement pas les prendre avec une EN B. En plus ce sera plus difficile de tourner serré proche des arbres et moins maniable pour centrer un thermique. Et du coup, tu risques de rater plein de thermiques que tu aurais pris avec ta EN A.
  • De manière générale pour les décollages : quelles que soient les conditions, tu devras être beaucoup plus précis·e dans ta gestuelle. Et donc en attendant d’y parvenir, la probabilité que tu décolles sera plus faible.

Si j’essaie de trouver des points positifs :

  • Tu auras clairement plus de style et tu ne passeras plus pour un·e débutant·e en déballant ton aile. Je suis un peu sarcastique mais je me permets cette phrase après des années à observer le comportement des gens sur les décollages.😅
  • Dans du thermique léger, tu auras un meilleur taux de chute
  • Tu auras une vitesse de vol plus élevée et donc tu pourras voler dans du vent plus fort. De nouveau, à condition d’être à l’aise sous ta voile quand ça secoue.

En conclusion, c’est toi le pilote et c’est toi qui décides. Je reste pourtant persuadé que plus tu te sentiras bien sous ton aile, plus tu progresseras rapidement. La peur est nécessaire, c’est un sentiment qui te permet de rester en vie. Mais lorsqu’elle prend trop le dessus, elle peut soit te paralyser, soit te faire faire des gestes brusques et incontrôlés. Au mieux, tu stagnes dans ta pratique. Au pire, tu te retrouves dans des conditions qui pourraient aboutir à un accident. Et comme on dit parfois, les meilleurs parapentistes sont ceux qui volent longtemps. Très longtemps !

Alors tu as fait ton choix ?

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